La lutte contre le réchauffement climatique s’embourbe
En juin, la loi sur le climat et l’innovation a été plébiscitée par près de 60% du corps électoral. Elle fixe les objectifs à atteindre pour une neutralité climatique en 2050. Pourtant, la crise climatique ne fait pas partie du vocabulaire du nouveau conseiller fédéral. Depuis janvier, on ne parle plus que d’approvisionnement en électricité et d’adaptation au réchauffement climatique. Mais comment compte-t-on réduire les émissions ?
La nouvelle loi sur le CO2, sur la table du parlement, a été élaborée par l’ancienne conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. Elle prend le dénominateur commun des référendaires, qui avaient combattu la précédente révision rejetée en votation populaire en 2021. En d’autres termes, une loi qui manque cruellement d’ambition et d’effet. Cela signifie avant tout un alignement sur les valeurs de l’Union européenne et un wagon de subventionnements. On n’y trouve ni de date pour cesser l’importation de voitures fossiles, ni de date pour cesser l’installation de chauffage fossile, ni de mesure forte pour réduire l’empreinte carbone de l’aviation. En d’autres termes, la poursuite sans fin de la mise sur le marché de technologies qui émettront des gaz à effet de serre pendant des dizaines d’années.
Projet insuffisant de la loi CO2
Mais entretemps, le 18 juin, le corps électoral a dit un oui déterminé à la loi sur le climat. Loin de prévoir un changement de cap, le conseiller fédéral Rösti n’avait, le soir de la victoire, que la production électrique à la bouche et a enjoint le parlement à ne pas toucher au projet de loi CO2 insuffisant. Ce projet prévoit pourtant que plus de la moitié de la réduction des émissions réalisées entre 2025 et 2030 le sera à l’étranger, par des projets de compensation carbone. Au lieu d’investir en Suisse dans la transition, on prolonge d’autant notre dépendance aux énergies fossiles sans véritable garantie de la réduction effective des gaz à effet de serre.
La Suisse s’est déjà fait remettre à l’ordre au niveau international, car la voie de la compensation à l’étranger, dont la Suisse fait le pilier de son action climatique, fait débat. Il est clair que la Suisse doit participer au financement climatique international, mais elle doit le faire de manière solidaire et non intéressée, elle doit cesser de déduire ces projets de son propre décompte de réduction de gaz à effet de serre. Ceci d’autant plus que, tôt ou tard – et mieux vaut tôt que tard – le monde entier devra atteindre la neutralité carbone et cette voie sera donc fortement limitée.
Résultat : la commission de l’environnement du Conseil des Etats a malheureusement encore affaibli le projet.
Réduire les émissions pour sortir de la crise climatique
Un point important sur lequel la commission a toutefois décidé, sur proposition des VERT-E-S, d’améliorer le projet est l’adaptation. Ainsi, une somme est désormais attribuée pour réduire les effets et les dommages du changement climatique. Un changement soutenu fortement par le conseiller fédéral. Si ce volet est essentiel, il ne doit pas cacher le principal : la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour sortir de la crise climatique. Faute de quoi, nous entrerons dans un cercle vicieux où l’on courra derrière les adaptations à faire pour s’adapter à un réchauffement climatique galopant. La lutte contre le réchauffement climatique ne peut donc certainement pas se résumer à une question d’adaptation. Pourtant, il est clair que le Département met désormais un fort accent sur ce volet… quitte à oublier le principal : la réduction des émissions à la source.
Le Conseil fédéral aurait enfin pu se rattraper en mettant rapidement en œuvre la loi sur le climat et l’innovation, ce qui aurait libéré de l’argent nécessaire pour accélérer l’assainissement des bâtiments. Loin s’en faut, il a repoussé son entrée en vigueur à 2025.
Sur le front de la réduction des émissions de CO2 dans notre pays, au-delà des mesures d’adaptation et pour booster la production électrique, le chemin est encore long.
Lisa Mazzone